Mieux articuler formation initiale et formation continue, une réponse aux
difficultés d'insertion professionnelle. Échos d'un séminaire CFDT
"En France, 80% des jeunes de 18 ans sont scolarisés, contre 54% seulement
au Royaume-Uni. Mais les chances d'obtenir un diplôme quand on est en emploi
(entre 24 et 64 ans) sont de 13% en Suède, contre 1% en France", souligne
Françoise Bouygard, déléguée adjointe à l'emploi et à la formation
professionnelle, au cours d'un séminaire consacré à l'insertion
professionnelle des jeunes, organisé vendredi 2 février 2007 par
l'observatoire des cadres de la CFDT. "Il n'est donc pas étonnant qu'il y
ait une demande majeure de poursuite des études initiales, y compris de la
part de jeunes qui se sont engagés dans une voie professionnelle dès le
secondaire."
Selon Françoise Bouygard, les jeunes sont conscients que "tout ce qui n'a
pas été acquis dans le cadre de la formation initiale a très peu de chances
de l'être plus tard". Or, la commission Hetzel, chargée de rédiger un
rapport sur les liens entre l'université et l'emploi (L'AEF du 24/10/2006,
70310) après le mouvement anti-CPE (contrat première embauche), et dont
Françoise Bouygard était rapporteur, "n'a fait qu'effleurer ce sujet
pourtant très important: la coupure entre formation initiale et formation
continue".
PARCOURS
"La question de la continuité entre formation initiale et formation continue
est l'un des grands chantiers des prochaines années", confirme Bernard
Masingue, directeur de la formation de Veolia Environnement. "Si on recrute
un diplômé à bac+2, et qu'il sait que quelques années plus tard il pourra
suivre une formation diplômante de niveau bac+4 ou +5, cela modifiera
complètement les choses. Il pourra véritablement envisager la construction
d'un parcours, d'une carrière." Pour Bernard Masingue, qui se félicite que
cinq de ses salariés aient obtenu cette année une licence professionnelle
par la VAE (validation des acquis de l'expérience), il est indispensable de
"sanctionner et faire reconnaître l'expérience professionnelle".
"Nous avons besoin que l'institution scolaire dans son ensemble s'ouvre aux
préoccupations des salariés", ajoute Annie Thomas, secrétaire nationale
CFDT. Cette problématique est d'autant plus prégnante que la mauvaise
articulation entre formation initiale et formation continue "influe sur les
contenus de l'enseignement supérieur, qui sont insuffisamment élaborés avec
le monde économique", ce qui "crée une distance peu propice à l'évolution
professionnelle", selon Françoise Bouygard.
PÉDAGOGIE
D'où l'importance d'une coopération accrue entre le monde économique et
l'université dans l'élaboration des programmes. Ainsi, Bernard Masingue se
réjouit de la relation construite avec l'université de Cergy-Pontoise dans
le cadre d'un master en alternance. "Nous avons dû mettre en place une
pédagogie de l'alternance en interne, et instaurer un système de coopération
avec l'université, qui porte sur les finalités de la formation, les contenus
enseignés et les personnes qui interviennent. La coopération a une valeur
ajoutée extraordinaire pour les deux parties." Les questions posées sont
concrètes: "Comment construire un dispositif ambitieux, diplômant,
permettant une bonne insertion et une bonne employabilité au-delà du premier
emploi."
"Les acteurs de l'université ont désormais intégré que, dans l'architecture
de nos filières, nous devons tenir compte de l'insertion professionnelle",
assure Thierry Coulhon, président de l'université de Cergy-Pontoise, et
vice-président de la CPU (conférence des présidents d'université).
Néanmoins, aujourd'hui, "les statistiques n'ont aucun sens" car le
pourcentage de réussite aux examens ou d'insertion professionnelle se fonde
sur le nombre d'inscrits, dont certains "ne se présentent même pas aux
examens". De plus, les universités rencontrent "des difficultés à constituer
un annuaire des diplômés pour savoir ce qu'ils deviennent". L'université de
Cergy-Pontoise a, elle, lancé en juillet dernier un site internet où les
étudiants actuels, les anciens et les recruteurs peuvent s'inscrire pour
améliorer le suivi.
"LOGIQUE DE CONVERGENCE"
Pour améliorer l'insertion professionnelle des jeunes, il convient
également, selon Françoise Bouygard, de sortir de la "logique
adéquationniste" qui voudrait que le diplôme corresponde exactement aux
compétences requises pour occuper un poste, pour entrer dans une "logique de
convergence". Ainsi, si certaines formations sont moins insérantes que
d'autres, cela est dû aussi aux "représentations" que les jeunes ont de leur
futur emploi, et que les employeurs ont de cette formation.
Cette logique de convergence implique également l'amélioration du système
d'orientation, recommandée par le rapport Hetzel (L'AEF du 24/10/2006,
70312). "Aujourd'hui le système est quasi opaque et ne permet qu'aux mieux
informés de se repérer dans les différentes filières. Du coup, l'individu ne
peut pas être acteur de son propre cursus", constate Françoise Bouygard.
Annie Thomas, de la CFDT, fait le même constat et propose les mêmes axes
d'amélioration: "la professionnalisation des acteurs et la clarification du
pilotage du système", pour l'instant "éparpillé" entre l'Éducation
nationale, le service public de l'emploi, les organismes de formation, etc.
"Tout le monde parle de sécurisation des parcours", rappelle Annie Thomas.
"Or, il faut être conscient que la fluidité des transitions passe aussi par
l'orientation et la connaissance des possibilités" à chaque étape de la vie
professionnelle.
Paris, Vendredi 2 février 2007, 19:59:31 Lucie Prusak
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